« Oser faire humanité ensemble »

Traduction de l’article paru dans le n°140 d’Infodienst (revue spécialisée allemande) de juillet 2021.


La Confédération des Maisons des Jeunes et de la Culture de France (CMJCF ) regroupe 650 structures culturelles de proximité et leurs fédérations qui mènent des projets éducatifs et culturels portés et construits par les acteurs eux-mêmes. Notre action éducative trouve son origine dans un contexte historique : Les MJC connaissent leur essor après la seconde guerre mondiale en même temps que d’autres mouvements d’éducation populaire, avec la volonté commune que cela ne se reproduise pas. Le “cela” indique, que des jeunes et moins jeunes aient pu être enrôlés malgré le fait qu’ils étaient très cultivés, instruits et diplômés. L’apport de connaissances théoriques ne suffit pas à faire humanité, si elle n’est pas mise au service des communs. C’est ce que nous nommons le travail culturel.


Ainsi, les MJC travaillent la culture dans une logique émancipatrice d’apprentissage de la citoyenneté au service de la transformation sociale. Elles axent leur projet d’éducation populaire dans le sillage de la déclaration des droits culturels de Fribourg: “le terme “culture” recouvre les valeurs, les croyances, les convictions, les langues, les savoirs et les arts, les traditions, institutions et modes de vie par lesquels une personne ou un groupe exprime son humanité et les significations qu’il donne à son existence et à son développement”. Pour cela, les MJC mènent des actions culturelles -ne se résumant pas à la simple chose artistique- pour que les jeunes puissent apprendre à faire avec l’autre et à le considérer tel qu’il est. Elles portent un projet éducatif intergénérationnel partant du principe que l’on ne s’éduque pas seul mais au contact des autres, entre jeunes et adultes. L’émancipation n’est pas se sortir du cadre commun et des liens qui préexistent entre les personnes pour disposer d’une liberté indéfinie mais de le considérer pour le transformer au service de la justice sociale et de la dignité humaine. Comprendre que nous ne pouvons être libres individuellement que si nous interagissons collectivement au sein d’un cadre commun.

Concrètement cela se fait dans une approche éducative et culturelle globale en lien avec des actions spécifiques comme les outils pédagogiques conçus par le réseau de la CMJCF. En 2015, alors que la France subit une période d’attentats, le projet Non à la Haine est déployé : une malle pédagogique accompagnant les jeunes pour qu’ils soient en mesure de trouver un langage adapté pour manifester leurs opinions et affects dans l’espace collectif en leur
donnant les clés de lecture du fonctionnement du monde pour “faire humanité ensemble”. Depuis son lancement, ce sont 100 000 jeunes bénéficiaires. Les modules de l’outil, qui interrogent les stéréotypes, sont très ancrés dans des pratiques culturelles. Comme par exemple l’atelier musique qui vient déconstruire les préjugés qu’ils peuvent avoir face aux différents styles de musique. Le dernier outil, Des-infox sur l’éducation aux médias à l’information permet aux jeunes d’avoir les moyens de se prémunir des infox et autres théories du complot.

De même, les MJC développent leurs propres projets culturels ancrés sur leurs territoires. Comme à Lyon où une MJC a développé Laisse tomber la haine, qui par la pratique théâtrale, la danse, la musique fait travailler les jeunes autour de leurs vécus. En Alsace, les MJC travaillent autour de spectacles traitant de la xénophobie, du repli sur soi et de l’intégrisme religieux pour enclencher des débats avec le public. En Normandie, une MJC utilise le théâtre pour faciliter l’intégration et l’apprentissage du français chez les réfugiés.

Passer par une forme artistique permet de prendre un certain recul sur le sujet, de sortir d’un aspect purement théorique et d’intégrer la dimension sensible. C’est ici tout le sens de l’éducation populaire que de partir du vécu des personnes pour construire un discours collectif et ainsi rendre accessible et facilement mobilisables des concepts qui aident à comprendre le monde pour construire une société plus juste, plus humaine.

Le PDF est téléchargeable ici : http://www.cmjcf.fr/wp-content/uploads/2021/09/2021-06-Article-Infodienst_CMJCF-Oser-faire-humanite-ensemble.pdf

[Par Mieke Dangendorf & Raphaël Souyris, animateurs du réseau national de la CMJCF]

Résultats des élections municipales, départementales et régionales : prévenir les conflits d’intérêts

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Date de dernière mise à jour 10 Juin 2021

Plusieurs administrateurs et/ou cadres salariés dans les associations de notre réseau ont été élus à l’issue des élections municipales des 15 mars et 29 juin 2020 ou ils sont susceptible de l’être à l’issue des élections départementales et régionales des 20 et 27 juin 2021 – une situation susceptible de constituer un conflit d’intérêt.

Qu’est-ce qu’un conflit d’intérêts ?

Au sens de la loi, constitue un conflit d’intérêts « toute situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou à paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif d’une fonction » et plusieurs critères permettent de l’apprécier :

  • L’intérêt peut être direct (ex. une autre activité professionnelle) ou indirect (ex. l’activité professionnelle du conjoint), privé (ex. la détention d’actions d’une entreprise) ou public (ex. un autre mandat électif), matériel (ex. une rémunération) ou moral (ex. une activité bénévole ou une fonction honorifique),
  • L’interférence peut être matérielle (ex. un secteur d’activité en particulier), géographique (ex. un territoire en particulier – une commune par exemple) ou temporelle (ex. un intérêt passé),
  • Elle doit être significative au point de soulever des doutes raisonnables sur la capacité du responsable public à exécuter ses fonctions en toute objectivité.

A titre d’illustration, il existe une telle interférence d’intérêts entre les élus d’une collectivités locales et les administrateurs d’une association de la même collectivité que le lien soit direct ou indirect (ex. une personne interposée).

Comment se protéger d’une situation de conflit d’intérêt ?

Pour prévenir les conflits d’intérêts, la loi prévoit un double-mécanisme :

  • L’abstention dans la préparation et l’adoption des décisions publiques litigieuses,
  • La déclaration d’intérêts.

Pour le maire d’une commune par exemple, le double-mécanisme fonctionne de la façon suivante :

  • Abstention dans la préparation et l’adoption des décisions publiques litigieuses (décret du 31 janvier 2014) : il est attendu d’un maire ou d’un conseiller municipal, titulaire d’une délégation de signature qu’il détermine en amont les champs pour lesquels il estime être en situation de conflit d’intérêt pour informer le déléguant par écrit et/ou – s’il s’agit d’un pouvoir en propre – prendre un arrêté pour désigner une autre personne en charge de les suppléer. 
  • Déclaration d’intérêts : les maires des communes ou les présidents des EPCI à fiscalité propre de plus de 20 000 habitants et les adjoints au maire ou les vice-présidents des EPCI à fiscalité propre de plus de 100 000 habitants doivent produire une déclaration de patrimoine et une déclaration d’intérêt qui mentionne les intérêts détenus jusqu’à 5 ans avant l’élection ou la délégation de pouvoir.

Quels sont les risques à « fermer les yeux » sur un conflit d’intérêt ?

Un conflit d’intérêt représente un risque juridique pour l’élu et pour l’association :

  • La prise illégale d’intérêts est un délit sanctionné par une peine de prison et une amende,
  • Si un élu intéressé à pris part à une délibération qui concerne l’association, elle est susceptible d’être annulée par le juge administratif.

Zoom sur la notion de prise illégale d’intérêts

La prise illégale d’intérêts est un délit engageant la responsabilité personnelle de l’élu concerné et elle est sanctionnée par une peine pouvant aller jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et une amende de 500 000 €.

Elle est définie à l’article 432-12 du code pénal par « le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public ou par une personne investie d’un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l’acte, en tout ou partie, la charge d’assurer la surveillance, l’administration, la liquidation ou le paiement » et plusieurs critères permettent au juge pénal de l’apprécier :

  • La notion d’intérêt quelconque qui englobe, outre l’intérêt financier ou patrimonial, l’intérêt moral, familial – direct ou indirect – ou amical,
  • La prise illégale d’intérêts se consomme par le seul abus de la fonction, indépendamment de la recherche ou de l’obtention d’un gain ou d’un autre avantage personnel,

L’intérêt pris ou conservé n’a pas besoin d’être distinct ou contraire à l’intérêt de la commune.

Zoom sur la notion de conseiller intéressé

Selon l’article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales, « sont illégales les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l’affaire qui en fait l’objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataires ». Ainsi, une délibération à laquelle participe un élu lié d’intérêt avec l’association (ex. l’attribution d’un équipement ou d’une subvention) encourt un risque d’annulation.

La notion de « conseiller intéressé » s’apprécie par le juge administratif au regard de critères moins stricts que la notion de « prise illégale d’intérêts » :

  • L’existence d’un intérêt personnel pour le conseiller – intérêt qui doit être distinct de l’intérêt de l’ensemble des habitants de la commune,
  • La participation du conseiller intéressé doit avoir été de nature à exercer une influence réelle et décisive sur la délibération et le vote ayant conduit à son adoption – ainsi, la simple présence ou la participation de l’élu ne suffit pas à entacher d’illégalité la délibération.

Ainsi, pour une même affaire, le juge administratif pourrait écarter le conseil intéressé et le juge pénal, retenir la prise illégale d’intérêt.

Comment éviter les conflits d’intérêts dans son association ?

Au regard de la loi et du risque pénal au titre de la prise illégale d’intérêts, il est indispensable de faire preuve d’une extrême prudence dans les relations entre les élus d’une collectivité et les administrateurs d’une association – tout particulièrement si l’association est subventionnée par la collectivité – et de veiller aux dispositions suivantes :

  • Éviter le cumul entre le mandat de maire, de conseiller municipal, de conseiller départemental ou de conseiller général, titulaire d’une délégation de signature et un rôle dans les instances décisionnaires de l’association,
  • S’abstenir de préparer et de décider pour toute question relative à l’association dans le cadre de son mandat – c’est-à-dire l’instruction des dossiers, le contrôle des subventions, le débat ou le vote des points d’ordre du jour qui la concerne,
  • Si l’association perçoit une subvention de la collectivité, éviter la représentation de la collectivité avec un pouvoir délibératif (ex. droit de vote) dans les instances décisionnaires ou – a minima – désigner un élu sans délégation en matière de vie associative.

Il existe d’autres alternatives pour assurer un dialogue de qualité entre une collectivité locale et une association dans le respect du rôle et de l’indépendance de chacun.